Je reçois régulièrement en consultation des personnes qui subissent du harcèlement moral. Ils viennent du monde de l’enseignement, du  social, et aussi d’ entreprises plus structurées. Partout, les mêmes signaux : une personne mise à l’écart, un groupe tendu, une hiérarchie silencieuse.
Et au bout du chemin… de l’épuisement, de l’incompréhension, parfois un burn-out ou une démission.

 

Parfois, on cherche un responsable. Un “harceleur”, un “mauvais manager”, une “personnalité toxique”.
Mais très souvent, ces souffrances ne sont pas le fait d’un individu isolé.
Elles sont le symptôme d’un système qui, sans le vouloir, produit de l’exclusion, de la peur et du repli.

 

Je tente ici une lecture systémique de ces situations.
Non pas pour excuser les comportements destructeurs, mais pour comprendre ce qui, dans l’organisation elle-même, rend ces violences possibles — voire fonctionnelles.

“Le harcèlement moral, c’est une personne toxique qui en fait trop.”
c’est loin d’être aussi simple !

Dans bien des organisations, la souffrance ne naît pas d’un individu malveillant, mais d’un système relationnel et institutionnel qui, à bas bruit, produit de l’isolement, de la peur et de l’épuisement.

Quand la violence devient ordinaire

Pas de cris, pas de menaces ouvertes. Mais des remarques, des exclusions subtiles, une mise à l’écart progressive.
Souvent, les personnes impliquées ne se vivent ni comme maltraitantes, ni comme maltraitées. Chacun pense “faire son travail”.
Et pourtant, une personne s’effondre.

Quatre mécanismes systémiques fréquents

1. La peur de l’altérité

Dynamiques systémiques en jeu :

  • Le système cherche la stabilité. Tout comportement ou profil “atypique” peut être perçu comme une menace à cet équilibre.

  • Cette peur est souvent implicite, non nommée. Elle active des tentatives de “normalisation” du différent (pression à rentrer dans le moule, marginalisation, moqueries).

  • Plus le système est en tension (réformes, incertitudes, exigences accrues), plus il tend à rejeter ce qui dévie.

2. L’effet de groupe

Dynamiques systémiques en jeu :

  • L’émergence d’un bouc émissaire permet de canaliser l’angoisse collective sur une cible identifiable.

  • Ce phénomène est souvent renforcé par des rituels implicites (plaisanteries, surnoms, blagues partagées, rumeurs).

  • Le groupe “s’auto-régule” : ceux qui s’opposent au rejet peuvent eux-mêmes être perçus comme déloyaux.

  • La logique du “mieux vaut lui que moi” s’installe, souvent sans conscience explicite.

3. La culture du silence

Dynamiques systémiques en jeu :

  • Les témoins sont pris dans un double bind : intervenir, c’est risquer de devenir soi-même une cible ; se taire, c’est participer.

  • Le silence devient une norme partagée, justifiée par des croyances (“de toute façon, ça ne changera rien”, “il/elle l’a peut-être un peu cherché”).

  • L’institution peut entretenir cette culture par des procédures floues, des sanctions rares, ou des messages contradictoires sur la “bienveillance” et la “performance”.

4. Les rapports de pouvoir

Dynamiques systémiques en jeu :

  • Un système très hiérarchisé crée des zones d’impunité : certains agissent sans crainte de retour, d’autres n’ont aucun levier pour se défendre.

  • Le pouvoir n’est pas seulement dans la hiérarchie formelle, mais aussi dans les relations d’influence, d’ancienneté, ou dans la maîtrise de l’informel.

  • Ces asymétries alimentent des jeux de domination, parfois inconscients, souvent tolérés parce qu’ils semblent “efficaces”.

 

Ce que le système produit

Ce n’est pas seulement l’individu qui harcèle : c’est le système qui le rend possible, voire nécessaire à sa propre survie temporaire.

  • Les personnes agissent souvent par adaptation, pas par cruauté.

  • Le harceleur peut se percevoir comme un “gardien de la norme” ou un “défenseur de l’efficacité”.

  • La victime peut être perçue comme “problématique” ou “non adaptable”, ce qui légitime son exclusion.

     

    Un autre regard est possible

    Dans une logique systémique, intervenir sur le harcèlement moral, ce n’est pas chercher un coupable, mais c’est interroger les mécanismes collectifs en jeu.

    • Observer les interactions dans l’équipe (qui fait quoi, quand, comment, qui réagit…).

    • Identifier les messages paradoxaux envoyés par la hiérarchie ou l’institution.

    • Travailler à redonner des espaces de parole sécurisés où la norme du silence peut être levée.

    • S’interroger sur ce que le harcèlement vient réguler ou compenser à l’échelle collective.



    Un travail systémique permet de :

    • Décoder les rôles figés dans l’équipe,
    • Repérer ce que les tensions protègent ou masquent,
    • Dénouer les non-dits qui verrouillent l’action,
    • Ouvrir un espace pour remettre du mouvement sans violence.

    Le rôle du systémicien

    Observer ce que le système produit — au-delà des intentions individuelles.

    Le systémicien n’est ni juge, ni arbitre.
    Il crée les conditions pour que le collectif se regarde fonctionner.
    Et accompagne les équipes vers une sortie de crise respectueuse et durable.

    En quelques mots

    • Le harcèlement moral est souvent un symptôme du système, pas seulement une affaire de personnalités.
    • Comprendre ces dynamiques évite de répéter les mêmes schémas ailleurs.
    • Le travail systémique permet de reconstruire des relations professionnelles saines et vivantes.

    Vous vivez une situation figée, tendue, incompréhensible ?

    Avec PePSS, j’ accompagne les particuliers ou les équipes et leurs managers à décoder ce qui se joue — pour sortir de l’impasse autrement.
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