
23 juillet 2025
Dans les entreprises, il est courant de parler de collaboration et de coopération, de multiplier les réunions, les plateformes transversales, les séminaires. L’intention est là, sincère. Pourtant, sur le terrain, c’est souvent une autre histoire.
Les symptômes du manque de coopération sont bien réels : des projets qui patinent faute de relais entre services, des incompréhensions sur les priorités, des recrutements qui échouent parce que les attentes ne sont pas partagées.
Parfois, ce sont des décisions prises dans un service sans concertation, qui génèrent du ressentiment ailleurs.
Ou des tensions sourdes, liées à des conflits d’intérêts mal nommés, qui finissent par freiner l’élan collectif. À force, cela use les équipes et génère une forme de lassitude.
Un regard systémique invite à poser la question : et si ces blocages n’étaient pas liés à un manque de bonne volonté ?
Coopération ? Parfois la pénurie complique tout
Lorsqu’une organisation traverse une période de pénurie, de moyens ou de personnel, chacun fait comme il peut. Les priorités sont recentrées, les équipes protégées, les ressources défendues. C’est humain. Mais ce réflexe de protection fragilise les ponts entre les services. La méfiance s’installe, les intentions des autres sont mal interprétées. Les frustrations montent : “Pourquoi eux et pas nous ?”, “Ils ne comprennent pas notre réalité.”
Il ne s’agit pas de mauvaise volonté. C’est souvent une tentative de garder le cap dans un environnement sous pression.
La reconnaissance : un moteur, mais pas une baguette magique
De nombreuses organisations avancent en matière de reconnaissance : elles valorisent davantage les parcours techniques ou transversaux, pas uniquement les rôles managériaux. C’est essentiel. Mais reconnaître les compétences individuelles ne suffit pas toujours à construire un “nous” collectif.
Se sentir reconnu dans son rôle n’empêche pas de vivre les autres services comme des “adversaires involontaires”. La reconnaissance est un ingrédient clé, sans être une garantie de coopération.
La coopération, ça s’apprend (et ce n’est pas toujours fluide)
La coopération ne va pas toujours de soi. Il ne suffit pas de bien communiquer ou d’utiliser les bons outils. Coopérer, vraiment, c’est autre chose : accepter le frottement, les différences de rythme, de culture, de priorité. Prendre le temps de comprendre comment fonctionne l’autre, même dans l’urgence.
Et surtout, oser parler des tensions dès qu’elles apparaissent. Trop souvent, elles sont contournées. On fait semblant. Et petit à petit, elles s’installent. Jusqu’à ce qu’un désaccord mineur déclenche une crise incompréhensible.
Apprivoiser les tensions : un savoir-faire collectif
Les tensions ne sont pas des signes d’échec. Elles font partie de la vie d’un collectif. Ce qui change la donne, c’est la capacité à les accueillir, à les traverser, à en faire quelque chose.
Certaines équipes s’appuient sur un leader humainement solide, capable de recadrer avec justesse, de créer du dialogue dans les moments critiques. C’est une force, mais la coopération ne peut reposer uniquement sur une personne-clé. L’enjeu est collectif : développer chez chacun la capacité à dire, à écouter, à ajuster.
C’est inconfortable. Mais c’est aussi là que se joue la vraie coopération.
Et maintenant ?
Les outils, les process, les organigrammes ont leur utilité. Mais ils ne remplacent pas ce qui se joue entre les personnes : les non-dits, les signaux faibles, les malentendus accumulés.
Faire progresser la coopération ne passe pas par une réunion de plus. La réflexion commence par quelques questions simples :
- Se comprend-on vraiment ?
- Ose-t-on dire ce qui pèse dans les interactions ?
- Quels enjeux, quels territoires protégeons-nous, sans même en avoir conscience ?
Il ne s’agit pas d’un luxe. C’est une nécessité pour construire un “ensemble” qui tient, même quand les vents sont contraires. Parfois, un regard extérieur, une intervention systémique ciblée, peut aider à poser ces questions autrement, à dénouer ce qui semble figé, à relancer un mouvement. Pas pour imposer un cadre, mais pour créer l’espace où une équipe peut recommencer à penser ensemble.
Comme me le disait une DRH en fin d’intervention,
“Une organisation sans tension, ça n’existe pas. Mais quand on apprend à les regarder, on devient plus fort.”